Quand on fait ses premiers pas en linogravure, il n’est pas toujours simple de d’y retrouver. Quelle encre choisir? Quel papier utiliser? Lino ou gomme? Presse ou cuillère ?
Bref, on ne sait pas par où commencer. C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article.
Car si le matériel n’est pas primordial et s’il est possible de réaliser de très belles créations avec un couteau de cuisine et une vieille dalle de lino de papy-mamy, il faut bien avouer que des outils adaptés aident à obtenir des tirages de qualité.
‘Et c’est quoi, un bon outil?’
A mon sens, c’est un outil qui vous convient à vous, à vos préférences créatives, à votre morphologie … et à votre budget.
Cette recherche est très personnelle, faite d’interrogations, d’essais et d’erreurs. Mais au final, est-ce que cette recherche et la curiosité qu’elle demande ne font pas également partie du processus créatif?
Les plaques à graver
En linoleum ou en gomme, la plaque à graver est l’élément indispensable de la pratique de la linogravure. Chaque matériau a ses avantages et ses inconvénients.
Les gommes : un bon choix pour débuter car souples et faciles à graver. Elles existent en plusieurs couleurs, épaisseurs et duretés. Les plus épaisses, souvent très (trop) tendres, conviennent bien à la création de tampons et aux impressions tissus. La gomme fine, plus rigide, est un bon substitut au linoleum traditionnel : le rendu de détail est correct et elle est facile à travailler.
Le linoleum traditionnel : il existe en marron et en gris, monté ou non sur bloc de bois. Personnellement, je préfère le gris qui est plus tendre et offre plus de contraste au dessin sans avoir à apprêter la plaque ou à repasser le motif au feutre. Le lino est raide, difficile à graver quand il a froid mais offre un niveau de détail inégalable.
Détail non négligeable : le linoleum est un matériau naturel et écologique, composé d’huile de lin, de poudre de liège, de résine et de charges minérales.
Le papier
En théorie, le choix du type de papier dépend de la méthode d’impression utilisée. Pour les impressions ‘à la cuillère’, il est préférable d’utiliser un papier au grain fin et lisse alors que l’impression à la presse permet d’utiliser des papiers épais et texturés.
Cela dit, j’aime expérimenter différents types de papiers sans me limiter aux classiques papiers ‘spéciale gravure’. Du simple kraft aux sublimes papiers Japonais en passant par les magnifiques Lokta Népalais, le monde du papier offre d’infinies possibilités. Le résultat n’est pas toujours académique ni conventionnel mais toujours intéressant.
Et pourquoi pas … faire son propre papier? Démarche ludique et écologique, elle permet de réutiliser les innombrables déchets de coupes.
Les gouges
Ah, mes gouges Pfeil !!! Je les aime d’amour.
J’ai (très) longtemps hésité à les acheter – question de budget. Mais je n’étais pas satisfaite par le rendu des kits pour débutants. Mais siiii … le manche rouge en plastique avec les lames interchangeables qui coupent les doigts mieux que le lino…
Alors j’ai craqué et je ne le regrette pas : facilité de coupe, précision du trait, bonne prise en main grâce à la forme champignon qui tient bien dans ma paume … et en plus elles sont jolies! Le bois se patine à l’usage, comme un bon vin.
Je pensais devoir compléter ma ‘collection’ au fur et à mesure de mes besoins, mais non : ces quatre tailles suffisent aux petits formats que je crée habituellement :
L12/0.5 : gouge en V pour les très petits détails
L11/1 : gouge fine en U
L11/3 : gouge 3mm en U
L7/6 : gouge au profil plat pour ‘vider’ rapidement les aplats
Et si je ne devais en choisir qu’une, ce serait la L11/1 : je l’utilise pour les petits détails, mais surtout pour tracer les premiers contours des motifs.
Certains graveurs préfèrent les gouges en V (L12/1) mais je les trouve plus difficiles à maîtriser pour débuter car la profondeur du trait varie en fonction de la pression appliquée.
J’utilise encore parfois mes anciennes gouges de la marque Reig et mes petits ciseaux droits, principalement pour graver les tampons. Ils sont parfaits pour débuter sans casser sa tirelire.
Les encres
Il existe deux types d’encres pour linogravure : les encres à base d’eau et les encres à base d’huile. Leur viscosité, leur pigmentation et leur texture est spécialement formulée pour l’impression.
Mes encres d'épreuves
Quand j’ai fini de graver une plaque, j’aime faire quelques tirages d’essai pour contrôler le rendu et repérer les erreurs.
J’utilise la College Linol de Schmincke. Sa consistance est agréable : assez pégueuse pour bien adhérer à la plaque sans colmater les détails et assez souple pour s’étirer en douceur sous le rouleau.
Autre avantage : c’est une encre à base d’eau. Les tirages d’épreuve sèchent donc très vite, ce qui est particulièrement intéressant pour valider les impressions polychromes : ça évite d’attendre des jours et des jours entre chaque couleur. Cerise sur le gâteau, je peux laver très facilement et rapidement ma plaque et mes outils.
La gamme de couleurs n’est malheureusement pas très étendue. D’autre part, elle sèche vite par temps chaud, ce qui m’oblige à ajouter quelques gouttes de retardateur de séchage. Mais elle reste néanmoins mon premier choix pour l’épreuvage.
Mes encres de tirage
Débutante autodidacte, j’ai fait mes premiers pas avec la Charbonnel Aqua Wash, qui est formulée à base d’huile émulsionnée et peut être nettoyée avec de l’eau savonneuse. La palette de couleurs est étendue (plus de 20 couleurs, dont 7 noirs) et le prix plutôt raisonnable pour une encre de cette qualité. Elle est agréable à travailler et supporte les tirages ‘à la cuillère’. Son seul défaut est le temps de séchage, particulièrement sur les papiers lisses (j’en suis même à me demander si elle sèche jamais complètement…). Un soupçon de siccatif de Courtrai améliore le temps de séchage.
J’ai également testé la Caligo Safe Wash de Cranfield qui, même si elle est plutôt destinée à la technique en taille douce, est de consistance assez épaisse et se comporte très agréablement en linogravure. Encre à base d’huile, elle est également lavable à l’eau.
Enfin, période de fêtes oblige, j’avais envie de mettre un peu de paillettes dans mes tirages… Légèrement déçue par d’autres marques d’encres dorées, j’ai voulu tester l’encre Charbonnel pour taille douce ‘gold’. La ‘vraie’ : celle qui ne se lave pas à l’eau mais aux solvants bien chimiques. Me disant aie-aie-aie mais curieuse comme une chèvre, j’ai craqué. Résultat : un vrai bonheur. Elle demande juste à être énergiquement fatiguée et chauffée au couteau avant l’encrage mais le résultat est à la hauteur de l’effort. Et le nettoyage? En fait, avec un peu de soin et de méthode, c’est plus simple qu’il n’y paraît (cette étape ludique fera certainement l’objet d’un prochain article). Au vu de ce test, je me laisserai certainement encore tenter par sa très jolie palette de (54) couleurs.
Les rouleaux encreurs
Le rouleau encreur – appelé aussi parfois brayer – permet d’appliquer l’encre sur la plaque gravée en couches fines et homogènes. La qualité du rouleau est importante et un bon rouleau est un investissement non négligeable. Trop d’encre sur le rouleau risque de colmater les détails ou de « baver ». Trop peu d’encre rendra l’encrage long et fastidieux.
Le rouleau doit idéalement être adapté à la taille de la plaque à encrer.
Pour les noirs, j’utilise un rouleau de la marque Essdee, gamme pro (10 cm). Un bon rapport qualité-prix. Abig fait également de très bon rouleaux.
Pour les petits détails, les couleurs et les encres ‘à paillettes’, j’utilise mes deux rouleaux ‘Distress’ de la marque Ranger (8,5 et 5,5 cm). Achetés initialement pour jouer avec ma gel press, je les trouve assez souples pour bien encrer et très faciles à nettoyer car le manche se démonte.
Et peut-être qu’un jour le père-noël m’apportera de ces superbes rouleaux de chez Lawrence …
Presse ou cuillère
Imprimer une linogravure demande un effort certain pour bien appuyer le papier sur la plaque encrée et obtenir de beaux aplats.
Pour imprimer des papier épais et texturés, il est nécessaire d’avoir recours à une presse.
Cependant, la linogravure reste pour moi un loisir et je n’ai pour l’instant ni le besoin ni le budget (conséquent) pour une presse. Je ne peux donc pas partager mes retours d’expériences à ce sujet.
J’imprime donc à la main et j’ai adapté ma pratique : je privilégie les papiers lisses (épais ou non), des encres de qualité, une simple cuillère en bois et un baren.
L’avantage de cette technique est le rapport que j’ai avec la matière : du bout des doigts et de la cuillère, j’ai une sensation tactile du motif gravé que je n’aurais pas avec une presse. Autre avantage : je ne suis pas limitée par la dimension de la presse et si l’envie m’en prend (et l’énergie), je peux réaliser de grands formats. En revanche, le tirage de grandes séries devient vite très pénible.
Mon petit baren est ‘fait maison’, fabriqué avec un bouton de porte, un vieux bout de bois et une croûte de cuir. Il est adapté à mes petits formats et il fonctionne très bien.
J’ai testé plusieurs formes de cuillères mais ma préférée est une simple cuillère recyclée que les amateurs de crèmes glacées et de fast-food reconnaitront sans peine. Elle est assez plate pour avoir une bonne surface de contact avec le papier, elle est bien souple et très résistante.
Pour la petite histoire, j’ai testé la tortilla press. Le résultat est très satisfaisant pour de petits formats.
Pour en (sa)voir plus sur cette technique, je vous invite à visionner la vidéo de Joseph Velasquez et à suivre 3Gatos sur Instagram :
tresgatospress